Ce film s'inspire librement de la vie des Moines Cisterciens de Tibhirine en Algérie de 1993 jusquà leur enlèvement en 1996.
Un beau film qui, soyons-en sûrs, dérangera...
Ce 23 mai à 20h30, j'apprends que le film remporte le Grand Prix du Festival de Cannes...
Ému!En ce dimanche de la Pentecôte: l'Esprit saint fait des clins d'oeil...
On attendait beaucoup de Xavier Beauvois; l'acteur réalisateur s'est imposé derrière la caméra dès son premier film Nord (1992)et a toujours maintenu une exigence de rigueur pour chacun de ses films (N'oublie pas que tu vas mourir; Selon Matthieu; Le petit Lieutenant).
Mais avec Des hommes et des dieux, sur les moines de Tibhirine, il a largement dépassé les attentes...
Il nous montre des moines incarnés, bien plantés dans ces âpres montagnes de l'Atlas. C'est vrai surtout du Prieur, le Père Christian (l'excellent Lambert Wilson).
Dans la décision, que chacun doit prendre personnellement, de partir ou de rester face aux menaces terrifiantes des islamistes, il a la responsabilité la plus lourde.
C'est vrai aussi de Frère Luc, le moine médecin octogénaire qui soigne la population des environs, indistinctement.
Militaires algériens et terroristes n'en sont pas exclus, que les moines appellent "frères de la plaine" pour les premiers, ou " frères de la montagne" pour les seconds.
C'est l'excellent Michael Lonsdale qui joue Frère Luc et il semble qu'il a été fait de tout temps pour ce rôle.
Les acteurs Michael Longsdale (Frère Luc) et Adel Bencherif (le terroriste).
Le Christ n'a jamais proféré d'appels au meurtre
ni à la vengeance...C'est Lui l'Innocent, le Fils de Dieu, qui s'est offert en sacrifice, qui clôt la longue et infernale histoire de la haine et de la
vengeance.
Les hommes ont été créés libres; suffisamment
libres pour se condamner eux-mêmes.
On attendait aussi de Beauvois qu'il présente d'authentiques hommes de prière: il les montre priant et chantant dans leur petite église, beaucoup plus longuement qu'on ne l'aurait supposé.
La messe, les heures, tout nous est donné dans des scènes intelligemment choisies , où les polyphonies modernes épousent des versets de Psaumes qui forment un commentaire de la situation.
Mais on n'attendait pas que, par dessus tout cela, Beauvois nous offre des moments d'art véritable, où la contemplation esthétique porte à l'élévation spirituelle...
Lambert Wilson incarne Christian de Chergé, prieur de la communauté; ce fut pour lui un chemin dans sa propre quête spirituelle, nourrie par son amitié avec l'Abbé Pierre, des mains de qui il a reçu le baptême.
Avant le tournage, il est passé par l'Abbaye de Tamié; Xavier Beauvois souhaitait que les comédiens s'imprègnent de l'atmosphère d'un monastère, découvrent un peu de l'intérieur la vie monastique, s'immergent dans l'existence de cette communauté particulière très liée à l'histoire dramatique des moines de l'Atlas.
Il fut introduit à Tamié, trappe cistercienne blottie dans un vallon de Savoie, par Henri Quinson (conseiller monastique sur le tournage).Après la "folie cannoise", le comédien à éprouvé l'ardent désir de revenir à Tamié, poursuivre la rencontre, vivre et prier dans ce lieu de paix...
"On ne peut tuer au nom de Dieu car cela revient à tuer Dieu lui-même".
Lambert Wilson
(comédien)
8 septembre 2010, en la fête de la Nativité de la Sainte vierge:
Grand prix du Festival de Cannes, Prix du jury cuménique, prix de l'Éducation nationale, Des hommes et des dieux arrive en salle chargé d'honneurs et d'éloges. C'est justice: le sujet est sublime et la réalisation d'une parfaite simplicité. Le plus haut message évangélique y rejoint l'humanité la plus ordinaire.
Le réalisateur Xavier Beauvois
Ce n'est pas le réalisateur, Xavier Beauvois, agnostique, qui a eu l'idée de ce film si religieux. C'est le producteur Etienne Comar, qui souhaitait son avis sur un scénario qui lui paraissait peu vendable; quand Beauvois lui a dit OK, Comar a avoué sa ruse: c'était lui l'auteur du texte!
Réalisateur soucieux de véracité, Beauvois a aussitôt engagé Henry Quinson comme "conseiller monastique" pour le tournage. Ce religieux célèbre, ancien trader de Wall Street entré à l'abbaye de Tamié, est le traducteur du livre de référence sur le drame de Tibhirine, Passion pour l'Algérie, les moines de Tibhirine (Nouvelle Cité), de l'Américain John Kiser.
Grâce à lui, grâce aussi au maître de chur François Polgar qui a formé les acteurs au chant liturgique, le film rend, avec une grande vérité, la vie de prière des moines dans leur monastère de l'Atlas.
La prière et la confiance en Dieu sont les fondements de la vie monastique; le film ose montrer cet aspect à un
public déchristianisé.
On pouvait s'attendre qu'un réalisateur agnostique (qui ne croit pas en Dieu)traite cet aspect comme un accessoire dramatique secondaire. Beauvois, au contraire, y consacre un grand nombre de scènes, qui montrent la place centrale de la prière dans la vie des religieux et le rôle déterminant qu'elle a joué dans leur décision de ne pas quitter le monastère malgré la montée des périls...
Plutôt que de se concentrer sur les ultimes moments des moines, comme l'aurait fait un scénario de suspense, l'histoire couvre leurs trois dernières années, de 1993 à 1996, laissant au spectateur le temps de les connaître et de comprendre leur choix.
Le film a été tourné au Maroc où a été trouvé un site semblable à celui de Tibhirine (Algérie); dans un paysage splendide, que la caméra contemple avec ravissement, le spectateur prend le temps de partager l'amour des moines pour le pays et ses habitants. La leçon de fraternité est éclatante. Tous les spectateurs musulmans, chrétiens ou autres, peuvent en recevoir quelque chose...
Quelques figures de religieux se détachent: le Prieur, Dom Christian de Chergé-à qui Lambert Wilson prête sans doute plus de fragilité psychologique que de véritable inquiétude spirituelle-, Frère Christophe qui, sous les traits de bûcheron d'Olivier Rabourdin, manifeste éloquemment le passage de la prudence humaine à la confiance évangélique, et surtout Frère Luc, le moine médecin.
Michael Lonsdale est Frère Luc; ce rôle restera sans doute le meilleur de sa carrière; on a déjà vu des acteurs exprimer la bonté, on n'en a probablement jamais vu le faire avec l'évidence irrésistible que manifeste Lonsdale.Le film ne serait pas sans lui.
Dans ce cadre paisible, la tension s'installe très vite...
Les conversations rapportent les attentats perpétrés ici ou là par les islamistes et l'ultimatum lancé par ceux-ci aux étrangers de quitter le pays.Puis c'est l'irruption de la violence: le massacre d'ouvriers albanais, à quelques kilomètres du monastère.
La peur frappe au sanctuaire quand les islamistes viennent réclamer la venue chez eux de Frère Luc pour soigner des blessés; et ce n'est pas l'armée algérienne la plus rassurante, bien au contraire...
Le drame central du film est la question que se posent les moines du choix de partir ou de rester; le bon sens serait de partir. Tous (l'armée comme les terroristes, leur conseillent).
Finalement, au cours d'un chapitre solennel, tous les moines choisissent de rester dans un pays livré au chaos de la guerre
civile et à la corruption depuis 1962.
C'est à la suite de cette réunion qu'a lieu la plus belle scène du film, le dernier repas des Frères, qui est comme une Cène où Beauvois se montre merveilleusement inspiré...