Un Long Dimanche de Fiançailles

11 août 1914.

Quelle liesse: c'est la guerre!

Au début, à Paris comme à Berlin, c'est l'enthousiasme!

Pour en savoir plus... cliquez  ici :Un Long Dimanche de Fiançailles...

En 1919, Mathilde a 19 ans...

Deux ans plus tôt, son fiancé Manech est parti sur le front de la Somme. Comme des millions d'autres, il est "mort au champ d'honneur". C'est écrit noir sur blanc sur l'avis officiel.

Pourtant, Mathilde refuse d'admettre cette évidence. Si Manech était mort, elle le saurait !
Elle se raccroche à son intuition comme au dernier fil ténu qui la relierait encore à son amant.

Un ancien sergent a beau lui raconter que Manech est mort sur le no man's land d'une tranchée nommée Bingo Crépuscule, en compagnie de quatre autres condamnés à mort pour mutilation volontaire ; rien n'y fait. Mathilde refuse de lâcher le fil. Elle s'y cramponne avec la foi du charbonnier et se lance dans une véritable contre-enquête.
De faux espoirs en incertitudes, elle va démêler peu à peu la vérité sur le sort de Manech et de ses quatre camarades.

Voila un beau film d'amour et de guerre, de cette sale guerre de 14-18, cette boucherie effroyable qui broya des vies entières, ce qui restera dans nos mémoires comme le suicide collectif de l'Europe, le massacre de jeunes hommes qui servirent de chair à canon, sur ordre de vieillards médaillés et bien au chaud dans les bureaux des ministères, penchés sur des cartes d'État-Major avec leur lorgnon...
Au nom de la Patrie et d'une Alsace Lorraine qu'il fallait récupérer à tout prix. Un million de jeunes Français tués pour ces provinces de l'est, de culture germanique, si éloignées des vrais préoccupations de ces millions de jeunes paysans qui étaient sur le point de rentrer les foins, de vendanger, de se marier...
Mais le travail de bourrage de crâne et d'endoctrinement avait fait son œoeuvre depuis 1871: il fallait faire la guerre et casser du "boche"!

Après la défaite de 1871 et l'écroulement du Second Empire, la IIIe République est obsédée par la récupération de l'Alsace et de la Lorraine annexées par la puissante et nouvelle Allemagne.

Dans les écoles laïques créées en 1881-82, par le ministre de l'Instruction publique Jules Ferry (1832-1893), les instituteurs, surnommés les "Hussards noirs de la République", pour beaucoup francs-maçons, comme Ferry, bourrent littéralement le crâne des petits Français dans la perspective d'une revanche sur les "Boches".

Ainsi, en 1914, les jeunes soldats français partiront pour la plupart, "la fleur au fusil", pour récupérer l'Alsace et la Lorraine et pour abattre le régime "tyrannique" du IIème Reich allemand, sans se rendre compte qu'en fait, ils serviront de véritable  "chair à canon" dans un conflit long et des plus cruels où la IIIe République sera finalement sauvée par l'intervention des États-Unis d'Amérique.

Le feu aux poudres:

2 août 1914, la France mobilise...Du fait du mécanisme des alliances en cascades, tout va très vite.

Dans la chaleur de cet été 1914, les esprits s'enflamment pour la guerre; ils sont peu nombreux, comme Jean Jaurès ou le tsar Nicolas II de Russie (1868-1918), ceux qui savent qu'avec les progrés techniques  cette guerre sera un carnage, une apocalypse, où il n'y aura que des vaincus.

Tout le monde pense, comme les États-majors, que tout sera terminé dans deux mois.

A Berlin, la foule crie: "A Paris!!!"; à Paris, la foule en délire crie:" A Berlin!".

Chantier naval de la ville de Elbing (devenue  polonaise en 1945).

Usine Krupp, 1900.

 

Le puissant Empire allemand s'est constitué le 18 janvier 1871, (capitale Berlin) par une Proclamation dans la Galerie des Glaces du prestigieux  Château de Versailles, après l'écrasement de la France qui se retrouve suprêmement humilièe.

Le IIe Reich est placé sous la couronne de Guillaume II de Prusse (1859-1941). Avec l'aide de son chancelier Bismarck (1815-1898), il hissera l'Allemagne, originellement puissance agricole, parmi les premières puissances  industrielles du monde.

Le régime est certes  impérial mais les Allemands profitent de libertés et de lois sociales qui sont dans bien des cas, en avance sur la France.

En 1914, l'Allemagne est à la pointe dans bien des domaines: scientifiques et intellectuels, artistiques, économiques, industriels et militaires.

1913: lancement du paquebot transatlantique Vaterland; l'Allemagne affiche ses performances industrielles, en particulier dans le domaine maritime. Elle est devenue une puissance militaro-industrielle redoutable.

Il fait bon vivre...
Mathilde est amoureuse...

Mathilde est  Bretonne ...
Elle boîte;

c'est une belle femme solide et fidèle; fidèle à elle-même, fidèle à Manech son premier amour, à l'homme à qui elle s'est donnée pour toujours...







Comme des millions de femmes, Mathilde est restée à la ferme alors que les hommes sont partis à la guerre.
Elle reste accrochée aux lettres de son homme, espérant son retour au plus tôt....

Manech est piégé dans l'enfer d'une guerre qui n'en finit plus...
Les militaires et les politiciens avaient pourtant affirmés en août 1914 qu'on en aurait vite fini avec les" boches".
Juste quelques semaines pour aller à Berlin et reprendre l'Alsace et la Lorraine...
Alors, ils  sont allés confiants vers la boucherie où ils ont servi de chair à canon...
Dés 1914, ils seront plusieurs centaines qui refusent d'aller à une mort certaine: ils seront arrêtés, jugés par des officiers sans scrupules et fusillés pour l'exemple dans les 48 heures...




Napoléon à la bataille d'Austerlitz: un carnage moderne; 16000 morts et blessés côté ennemis (Angleterre, Autriche, Russie), plus de 2800 soldats de l'Empire tués en une journée  (2 décembre 1805) .

Les équivoques du nationalisme:

Entre 1789 et 1793, la table rase révolutionnaire avait balayé la poésie du Trône, l'attachement traditionnel à la Patrie, au pays natal, aux coutumes ancestrales, aux gens qui vous ressemblent.
Pour mobiliser les foules, il n'avait pas suffi de remplacer l'ancien amour du Roi par celui , bien plus abstrait, de la Nation.
A l'ancienne piété pour la patrie charnelle, les Républicains substituèrent la haine des aristocrates et des étrangers.
Le nationalisme de détestation parvient ainsi à fédérer ce qui surnageait des anciennes fidélités, que la démocratisation de la société, c'est-à-dire son atomisation individualiste, avait détruites.
Il fallut fonder aussi en raison, l'idée que la France était supérieure à l'Allemagne, que la France était évidemment l'incarnation du droit, de la liberté, de la Civilisation alors que l'Allemagne était la patrie de la barbarie.

En réalité,peu de gens savent qu'en 1914,les libertés fondamentales, le système des aides sociales et des retraites, les syndicats étaient bien plus développés en Allemagne qu'en France...

Franz Eichhorst:Tranchée en 1918.

Le froid, la boue, la mort qui sont partout!
Pour qui? Pour quoi?
Contre qui? Contre quoi?
Pour la Patrie!
Pour l'Alsace et la Lorraine!
Contre les "sales Boches"!

Contre les Franzozen!
Contre les empereurs et les rois!
Et en bons paysans français, allemands, autrichiens, russes, anglais, américains, canadiens... durs, disciplinés et patriotes, ils sont allés docilement à la boucherie...

Ils avaient des pantalons rouges les  soldats français, grâce auxquels ceux d'en face pouvaient les repérer et les tirer à cent mètres, comme à la fête foraine...
Il faudra une hécatombe avant que les vieux barbons occupant les bureaux des états majors et des ministères leur procurent enfin des uniformes plus discrets.

Soldats allemands et leurs chiens, équipés contre les gaz.

L'as de l'aviation allemande Manfred von Richthofen (1892-1918) se préparant à une bataille aérienne: de 1914 à 1918, l'aviation de guerre a fait des progrès inimaginables.

Depuis plus de quatre fois vingt ans, tout a été dit sur la Grande Guerre et ses conséquences néfastes.
Tout a été dit et pourtant elle nous reste une énigme qui ne fait que s'obscurcir avec le temps.
Pour nous qui vivons provisoirement dans un cocon abrité des fureurs du monde, il est de plus en plus difficile de comprendre le pourquoi et le comment de cette guerre.
Comment la jeunesse européenne, jetée si longtemps dans les conditions épouvantables des tranchées, a-t-elle pu tenir sans massivement se révolter?
Parmi beaucoup d'autres,  un certain Louis Mairet, tué le 16 avril 1916 à Craonne, a répondu:

" Le soldat de 1916 ne se bat ni pour l'Alsace, ni pour ruiner l'Allemagne, ni pour la Patrie.
 Il se bat  par honnêteté, par habitude et par force.
Il se bat parce qu'il ne peut faire autrement.
Il se bat ensuite parce que, après les premiers enthousiasmes, après le découragement du premier hiver, est venue la résignation.
On n'imagine même plus que cela puisse changer...
Il faut faire la guerre.
A cause de quoi, pourquoi, on ne sait...
La haine des planqués, le droit de parler et de commander qu'il s'attribue pour plus tard, tel est le poilu de 1916."






Le commandement n'hésite pas à faire tuer des centaines d'hommes pour avancer de quelques mètres.
Comme par exemple parmi tant d'autres, ce général Nivelle (1856-1924) qui s'obstine à envoyer à l'assaut par vagues successives des dizaines de milliers de soldats se faire hacher menu pour au bout du compte: rien.


 




Sans oublier Joffre (1852-1931), généralissime de 1914 à 1916: ses vaines attaques de 1915 avaient saigné à blanc l'armée française; il est l'exemple de ses officiers qui pensent la guerre comme au temps de Napoléon Ier (autre grand commandeur génial de massacres de jeunes soldats).
Comble de cynisme: de nombreuses avenues portent son nom...
Le maréchal Joffre: sous la belle allure, des compétences discutables...
Ses chefs là n'ont jamais connu l'horreur des tranchées ni vécu les souffrances effroyables des soldats qu'ils ont envoyés à l'abattoir......

Les désertions se multiplient ; certains hommes, au bout du désespoir se suicident, d'autres vont jusqu'à se mutiler (ils se tirent une balle dans les mains ou dans les pieds) pour être évacués; s'ils sont soupçonnés, c'est le peloton d'exécution.

Nivelle sera enfin relevé de ses fonctions et c'est le général Pétain qui le remplacera.
L'arrivée de Pétain a bloqué l'offensive allemande: Paris ne sera pas occupé: les Français reprennent espoir...

La noria de la Voie Sacrée, organisée jour et nuit par Pétain, assura la relève des défenseurs.
De cette façon, un million et demi d'hommes passèrent à Verdun de février à juillet 1916.

La riposte efficace et rapide du général Pétain n'avait pas été imaginée un seul instant par les plans du haut Commandement allemand.
 


Philippe Pétain (1856-1951) est un officier selon la grande tradition chrétienne: c'est un homme de coeœur, qui sait qu'un soldat est aussi et surtout un homme.

Avis très peu partagé par les officiers et les politiciens francs-maçons en 1916.
Sous leurs déclarations enrobées d'Humanisme, le soldat est de la chair à canon.
Ils sauront se venger de lui plus tard...

Remplaçant Nivelle, responsable d'avoir envoyé à la mort des milliers de soldats pour rien, Pétain prendra des décisions simples, entre autres: améliorer et augmenter les rations de nourriture des soldats, ordonner que la soupe soit servie chaude et à l'heure dite, envoyer en permission les soldats épuisés. Il tapera du poing sur la table sans se laisser intimider par sa hiérarchie.
Si Verdun a tenu ce fut grâce à lui .

Dessin de F.Eichhorst; 1916.


Français, Allemands, Anglais, Russes, Italiens,...  qu'importe; ils étaient tous jeunes, beaucoup n'avaient pas vingt ans, et ils étaient tous remplis du bonheur de vivre...
Ces corps déchiquetés étaient plein de vie.

1916:Tranchée à Verdun; la guerre s'embourbe...

Les "Gueules cassées" et coeurs brisés: à jamais...

Quant aux survivants, ils resteront à jamais marqués par cette boucherie.
Voila pourquoi le "pacifisme" des Anciens poilus sera si vivant en 1939.

Verdun a coûté aux Français 163 000 tués, et 143 000 aux Allemands.
Des chiffres que personne n'aurait pu imaginer en 1914...





Comme des milliers d'autres villes européennes: la ville de Reims en 1918; par miracle, la cathédrale où furent couronnés tant de rois de France, la cathédrale est debout!!!.

"Ce déchaînement meurtrier se produit entre des peuples de la même origine, qui ont des valeurs et des traditions communes, et qui ont atteint un haut degré de civilisation.
Et ils se jettent les uns contre les autres avec une violence d'une intensité et d'une durée incroyables, que personne ne sera capable d'endiguer.
les tentatives de paix ont échoué.
Personne ne pourra jamais expliquer comment l'humanité peut s'étriper aussi atrocement; comment on a pu non seulement en arriver là mais y rester, s'y tenir obstinément pendant quatre années terribles.
C'est un vrai problème, qui touche à l'humain, et qui n'est pas réglé...
Ce conflit atteint un paroxysme historique qu'on ne peut réduire aux circonstances. Et c'est sans doute pourquoi cette guerre est celle qui continue à intriguer le plus.
On lui a consacré les plus nombreux travaux de recherche, mais ils n'aboutissent pas vraiment.
On lui a appliqué les grilles de lecture les plus contradictoires, les thèses marxistes ou autres, mais on bute toujours sur ce fond obscur: là, sur notre sol, dans un pays très évolué, de vieille civilisation, a eu lieu l'un des massacres les plus abominables de l'histoire de l'humanité.
Et nous avons accepté de rentrer dans cette barbarie."

Marc Dugain
Auteur du roman La chambre des officiers (Lattès)

Mathilde est sûre, au fond d'elle même que Manech est vivant: elle mène une enquête inlassable et terrible qui lui fera sentir la souffrance terrible de ceux qui y était...






Son enquête la conduit à retrouver des camarades de Manech: quelle place la paix accorde-t-elle à ces aristocrates des tranchées?

 


"Aujourd'hui, on a tendance à s'attendrir sur les victimes.
Je ne suis pas pour la victimisation des soldats. Il y avait, au début de la guerre de 14, un état d'esprit général qui poussait à en découdre.
Et ça tombait mal parce qu'on était à une époque de formidable progrès technique .
On avait une capacité de destruction colossale...
Je ne pense pas qu'on puisse si facilement délimiter les culpabilités.
Et c'est cela qui est inquiétant pour l'humanité..."

Marc Dugain

Trois empires multiséculaires détruits...

Le tsarevich Alexei (1904-1918): massacré avec toute sa famille le 17 juillet 1918 par les bolchéviques, sur ordre de Lénine.

Nicolas II (1868-1918) et sa famille: ils étaient d'une beauté solaire...

Cousin "Willy"; l'Empereur Guillaume II (1859-1941), cousin de Nicolas II de Russie.

L'Empereur Charles Ier (1887-1922), dernier Empereur d'Autriche-Hongrie  et l'Impératrice  Zita (1892-1989) de Habsbourg: des saints.

Que faut-il penser des productions cinématographiques ( Un Long Dimanche de Fiançailles; Joyeux Noël... ) qui contribuent largement à fabriquer un certain imaginaire de la guerre de 1914-1918 dans les générations qui en ignorent à peu prés tout?
La réalisation de ces films est en général entourée d'un grand soin et s'appuie souvent sur un point de départ historique.
Pour le reste, ils n'ont pas vocation à représenter la réalité, les réalisateurs insistant eux-mêmes sur le fait qu'ils ne sont pas historiens.
L'argument sur lequel est basé Un long dimanche de fiançailles -le rejet dans le no man's land séparant les lignes adverses de condamnés de 1917 est totalement fantaisiste et, si cela s'était produit, les condamnés auraient été recueillis par les Allemands.
En cette période du conflit, on accueillait de part et d'autre sans difficultés les "transfuges"...

Général André Bach
Auteur de Fusillés pour l'exemple, éditions Tallandier; 2003
in NRH n°24, 1916, l'année de Verdun.

 

Berlin, 1918: Défilé de vétérans protestant contre la misère

1919:Traité de Versailles: les Alliés et surtout la France concoctent un Traité dont les clauses sont des plus humiliantes pour l'Allemagne qui se voit accusée, à tort, de toutes les responsabilités de la guerre.

Le peuple allemand saura s'en souvenir...

L'aigle américain:Le grand vainqueur, c'est lui!

Adolf Hitler,s'inclinant devant le maréchal Hindenburg qui vient de le nommer chancelier après les élections de 1933: peu le savent à ce moment, mais "Le grand  Vengeur": c'est lui...