Algérie; années 30.
Younes, 9 ans, est confié à son oncle, un pharmacien oranais marié à une Française.
Le langage cinématographique d'Arcady n'a pas le même force poétique que le roman de Yasmina Khadra qui a inspiré cette fresque historique: les personnages semblent d'abord réduits à quelqies traits, et les situations surlignées...Mais au fil des séquences, ils prennent chair et leurs sentiments nous touchent.
Du bel ouvrage, à défaut d'être un chef-d'oeuvre...
Pour ma part, je regarde toujours les films évoquant l'Algérie française avec un pincement au coeur, une brûlure. Alors, je me laisse submerger par une immense nostalgie, comme lorsque l'on se réveille, hagard, après un cauchemar...ou exalté et haletant après un rêve magnifique et définitivement éteint tout en essayant de se rendormir pour retrouver, évoquer à nouveau mais en vain, les images, les parfums et les odeurs, les voix et les bruits, les sentiments et les émotions, le goût d'un bonheur de jeunesse envolé...
L'acteur Fouad Aït Aatou, formé au cours Florent incarne Jonas,un personnage tragique digne des Héros de la Grèce
antique ou de Shakespeare...
Cela doit avoir un nom. Arcady vient d'inventer l'équivalent algérien du pudding. En guise de farine, il a puisé à la louche dans un roman de Yasmina Khadra, ce qui déjà ne constitue pas un signe de légèreté. Trente ans de l'histoire du pays en 2 h 40, l'intention est louable. Le résultat, lui, est d'un pesant!
Ah, le petit Younes qu'on rebaptise Jonas lorsque ses parents le confient à un oncle pharmacien! Qu'il est mignon avec ses yeux bleus. Son charme ne laisse pas indifférente la blonde Émilie qui vient chez lui prendre des cours de piano. Les années passent. Les copains ont grandi. Un jour, Émilie réapparaît au bal du village. Tous les garçons en pincent pour elle. Les gosses de riches reluquent sa robe blanche.
Vincent Perez parcourt ses domaines à cheval. Le jeune héros couche avec une femme mûre, qui se trouve être la mère d'Émilie. Damned! La vie est mal faite. Comment lui avouer la vérité? Il la laisse se marier avec un gandin. Pendant ce temps, les événements grondent. Tout cela dans un décor de carton-pâte, filmé comme un feuilleton de M6, avec des dialogues téléphonés et des acteurs qui jouent aussi mal que les protagonistes d'un porno soft. Quant à Nora Arnezeder, elle se fait voler la vedette par la brune Marine Vacth qu'on ne voit pas assez. Tellement démodé que ça en devient touchant.
Eric Neuhof in LE FIGARO Web (11/09/2012)
Une guerre sans nom...
Il était peut-être difficile de faire mieux; mais il était impossible de faire pire: retour sur quelques épisodes d'un immense gâchis. La IV ème République en périra lamentablement dans la honte. Le sang et les larmes seront réservés pour les autres...
Guy et Jeanine Monnerot symbolisaient en tant qu'instituteurs français ce que les rebelles haïssaient le plus.
La guerre proprement dite a commencé sans dire son nom dans les gorges de Tighanimine, au coeur des Aurès, le matin du 1er novembre 1954. Une dizaine d'hommes armés arrêtent le car Biskra-Arris. A son bord, outre quelques fellahs enturbannés, un couple de jeunes instituteurs français, 23 et 21 ans, Guy et Janine Monnerot. Et puis, il y a aussi le caïd Hadj Sadok, lieutenant de réserve de l'armée française qui veut s'interposer. Le caîd et l'instituteur sont tués. Madame Monnerot, violentée est laissée pour morte.
La rébellion a bien choisi ses symboles: un musulman fidèle et un instituteur européen assassinés, une Européenne violée. Tout un programme...
Novembre 1954.
Quelques autres attentats ont été commis un peu partout en Algérie, sans portée apparente; au total pour ce 1er novembre: huit morts, dont quatre militaires français.Le mouvement est dirigé par le CRUA (Comité révolutionnaire d'unité et d'action), une dissidence activiste du MNA de Massali Hadj (1898-1974). IL donnera naissance peu après au FLN (Front de Libération nationale); son but est simple: l'indépendance de l'Algérie avec un pouvoir exclusivement arabe et musulman.
1955: le terrorisme.
Les moyens militaires engagés par l'ALN (Armée de Libération nationale), en novembre 54, sont modestes. Quelques centaines d'hommes armés, principalement dans les Aurès, en Kabylie, et quelques poignées de terroristes qui se fondent dans les populations urbaines, surtout à Alger.
Faute de troupes, la réaction militaire française est faible.
L'armée d'Algérie -49 000 hommes- est composée d'unités de dépôts peu combatives: ce n'est pas une armée d'occupation. (En mai 41, il y a 465 000 soldats allemands sur le territoire français dont 80 000 en partance pour le Front de l'Est).
Dans les premiers mois de 1955 arrivent les premiers renforts, les parachutistes de la 25ème DP, quelques bataillons de chasseurs, des tirailleurs et des légionnaires. Gênées par les limitations du temps de paix (rappelons que l'on fait "du maintien de l'ordre" et non la guerre), ces troupes lancent des opérations souvent infructueuses et pourchassentes petits groupes de ceux qu'on appelle "les HLL" (hors-la-loi) ou les "fellouzes".
L'action policière en ville est entravée par Jacques Chevallier, secrétaire d'Etat à la Défense du gouvernement de Mendès France, maire d'Alger, qui doit son élection aux messalistes (Roger Vétillard, 20 août 1955 dans le nord constantinois; un tournant dans la guerre d'Algérie, Editions Riveneuve, 2012).
Les Français n'ont pas compris grand chose à la stratégie de leurs ennemis. Les attentats désordonnés semblent relever de simples opérations de police. Il suffit de montrer sa force, de condamner les auteurs de violences, de tendre la main aux autres en promettant des "réformes" dans la pure tradition égalitaire et républicaine...
Enfants européens assassinés à El-Halia: semer la haine et enclencher le cycle infernal de la répression. Les rebelles saccagent la vie des plus
faibles et des innocents par cruauté et lâcheté: se confronter à l'armée exigerait plus de bravoure de leur part...
Non, les Français n'ont pas compris la stratégie d'ennemis formés dans la culture
islamique de la cruauté, et dans celle, plus nouvelle, de la révolution communiste et maoïste.
Le FLN cherche tout d'abord à s'emparer de l'esprit des musulmans. Il y réussit en quelques mois par l'invocation du jihad et par le terrorisme: il ne s'agit plus seulement d'effrayer les Européens, mais surtout d'arracher les populations musulmanes à l'influence française par la terreur. Les cadres musulmans plus ou moins francisés sont systématiquement assassinés. Les limites extrêmes de l'horreur sont vite dépassées: l'égorgement ou "sourire kabyle", la castration assortie de la profanation des cadavres (parties sexuelles tranchées et enfoncées dans la bouche), l'éviscération, la section des mains, des oreilles, des lèvres et du nez, le viol et massacre des femmes et des nouveaux-nés, l'ouverture du ventre des femmes enceintes laissées agonisantes avec leur bébé pendant au bout du cordon ombilical... Ces procédés issus du fin fond des âges de la barbarie, sont exhumées des pratiques traditionnelles du Jihad des années suivant l'année de l'Hégire (an 622 de l'ère chrétienne) puis de la fulgurante conquête par les Musulmans des terres chrétiennes.
Fellag (1954); traduction de "bandit" ou " casseur de tête". Spécialisé dans le viol et l'égorgement des femmes et des enfants. Sans
honneur ni panache.
Sanctifié par le régime algérien.
Le FLN a également mené la guerre en dehors de l'Algérie avec succès.
En France, il installe "la discorde chez l'ennemi", obtenant qu'une part de l'opinion, lasse et se sentant sourdement coupable et honteuse, ne voie d'autre solution que dans la négociation. Sur la scène internationale, il obtient évidemment l'appui des pays arabes, de l'URSS qui fait peser son joug sur de nombreux peuples, mais aussi et surtout des États-Unis, grands donneurs de leçons de morale républicaine alors que la ségrégation sévit officiellement sur ses territoires du sud. La France de la IVème République est acculée à l'isolement diplomatique.
En face, les Européens souffrent d'une faiblesse mortelle:en raison de leur dépendance à l'égard de la France, de l'absence de toute élite autochtone et peut-être aussi de leur tempérament, ils ne pourront jamais constituer un parti communautaire capable de les défendre et de les représenter.
En dépit des préjugés et des clichés toujours trop confortables, les pieds-noirs ne sont pas de "gros colons" mais de petites gens livrés à eux-mêmes, sans personne pour les orienter.
Attentat au Milk Bar rue d'Isly, Alger. Les enfants y dégustaient des glaces américaines quand
soud...
Cadavre d'un jeune appelé torturé à mort après être tombé dans une embuscade dans les gorges de Palestro avec ses camarades tout juste arrivés en Algérie en 1956.Les photos des cadavres des victimes tombées entre les mains des rebelles seront soigneusement censurées par les autorités. Aujourd'hui, tout remonte à la surface, mais une autre forme de censure s'appliquent à ces témoignages atroces: la lâcheté des uns est toujours remplacée par celle des autres...Quelle que soit le régime en place à Paris, la censure par le silence des bien-pensants s'avère tout aussi efficace; si ce n'est plus...
Jacques Soustelle et l'intégration.
Dés le début de l'insurrection , sont venus sur place Pierre Mendès-France (1907-1982), chef du gouvernement, et François Mitterrand (1916-1996), ministre de l'Intérieur. L'un et l'autre veulent avant tout rassurer: " L'Algérie, c'est la France". Ils sont gagnés à l'idée de réformes profondes, sinon d'une indépendance future mais qui laisse sans réponse la question du million d'Européens. Sans doute imagine-t-il un scénario idéalisé par leur idéologie: une Algérie où vivraient en parfaite harmonie les musulmans et les Européens. Cette image ne colle pas à la réalité. C'est un rêve de politicien. Car la classe politique de la IVème République et les Français métropolitains ne connaissent que parcellairement les réalités de leur Empire colonial et en particulier de l'Algérie.
Mitterrand et PMF donnent des gages d'anticolonialisme. Ainsi commence l'équivoque d'une politique de bascule. Pour le mettre en oeuvre, PMF choisit Jacques Soustelle (1912-1990) qui est nommé gouverneur général de l'Algérie en janvier 1955. Il est, entre autres anticolonialiste ce qui est malaisé pour un "gouverneur général" de territoire colonial. Il inquiète les Pieds-Noirs.
Mais rapidement au contact des réalités,il énoncera plus tard une doctrine résumée par un mot,"l'intégration": "L'assimilation visait l'individu, l'intégration vise la province. Il faut renoncer à l'illusion de faire de chaque musulman un Français de France". Autrement dit, il faut les intégrer sansvouloir en faire des Français. On se place dans la complexité... Soustelle reconnaît donc l'originalité humaine, culturelle, historiquede l'Algérie. Dans les faits, l'intégration demeurera unslogan assez creux. Tout en recherchant la paix, Soustelle est condamné à faire la guerre...
Les massacres du 20 août 1955.
Région de faible peuplement, le Constantinois est la plus favorable aux insurgés. C'est donc là que le commandement français a engagé ses plus grands efforts après le 1er novembre 1954.
1956; paras commandos de l'armée de l'air en Algérie.
La IVème République dont les finances ne sont guère florissantes après la désastreuse guerre d'Indochine doit compter sur des soldats professionnels valeureux.Leur sacrifice aura été rendu vain par les politiciens dans les bureaux feutrés de Paris et d'Alger.
La Légion étrangère défile à Alger: la construction de routes, la sécurisation des villages,des voies ferrées, les attaques les plus périlleuses, dans tout l'Empire,c'est eux.
Zighout Youssef, chef FLN du Nord-Constantinois, sent que son mouvement décline. A défaut d'une guérilla malmenée,il opte pour l'action de masse, jouant du racisme.
Pour créer une rupture, il décide d'organiser des massacres d'Européens, le 20 août 1955, anniversaire de la déposition du sultan du Maroc. Les radios des pays musulmans débordent d'invectives contre les Français. Chauffés à blanc, des milliers de musulmans entraînés par quelques meneurs déferlent sur les faubourg de Philippeville. Ils massacrent tous les Européens qu'ils croisent sur leur passage...Mais les paras du colonel Mayer (1er RCP) réagissent rapidement et ouvrent le feu. C'est à la mine d'El-Halia, à quinze kilomètres à l'est de Philippeville, qu'ont lieu les tueries les plus atroces. Les Européens y vivaient apparement en bonne entente avec les Musulmans. Mais ce 20 août, 71 femmes et et enfants d'ouvriers européens sont bestialement massacrés par leurs voisins et collègues. La répression sera sévère. Le FLN a atteint son but: il a séparé les deux communautés et a relancé la rebellion.
Traumatisé par ce qu'il a vu à El-Halia et à Philippeville, Soustelle abandonnera ce qui lui restait comme illusions et concluera à la priorité de la lutte.
Repères
5 juillet 1830: Capitulation d'Alger devant les Français.
12 novembre 1848: L'Algérie devient un "territoire français".
1880: Fin des insurrections.
1912: Les "jeunes Algériens" réclamant les droits civiques sont reçus à Paris.
8 mai 1945: Début des massacres de Sétif et Guelma.
1er novembre 1954: Début de la guerre d'indépendance.
Alger est sous contrôle relatif de l'Empire ottoman. C'est depuis des siècles un port d'attache de tous les brigands et pirates qui sèment la terreur sur les côtes de la Méditerranée, enlevant des jeunes filles blondes à peine pubères pour les harem et les bordels musulmans.
Les puissances maritimes occidentales ont décidé, après une succession d'échecs, d'en finir car ils nuisent gravement au commerce du Levant. C'est au roi Charles X en 1830 que revient l'honneur d'engager les hostilités après un incident diplomatique avec le Dey d'Alger. La conquête durera plusieurs décennies.
Henry d'Orléans,
duc d'Aumale (1822-1897).
Sous-lieutenant en 1839, il part pour l'Algérie en 1840 et participe au combat de l'Affroun (27 avril), mais doit
rentrer en France l'année suivante pour raison de santé, avec le grade de lieutenant-colonel du 17e Léger.
Il retourne en Algérie en 1842 avec le grade de maréchal de camp (7 septembre 1842) et se distingue lors de la prise de la smala d'Abd El-Kader (16 mai 1843). À la suite de cette campagne, il est promu lieutenant général (3 juillet 1843) et nommé commandant de la province de Constantine. Il dirige l'expédition de Biskra (1844). Il prend part à la pacification dans les Aurès et à la tête des légionnaires du colonel de Mac Mahon, il enlève la position de M’Chounech. II est nommé gouverneur des possessions françaises en Afrique en 1847 mais il est exilé en 1848.
10 oct.1837; conquête de l'Algérie. Constantine, le général Damrémont à la tête de ses légionnaires repousse une attaque.
Une nouvelle "colonie", l'Algérie ?
Dans ces années 1830, mieux vaut éviter ce terme associé à l'héritage esclavagiste (en 1836, un manifeste réclame la Décolonisation d'Alger, première occurrence du mot "décolonisation"). La parade est trouvée : l'Algérie est un appendice de la France, "à l'instar de la Corse". Argument qui sera repris par la IIe République : en 1848, d'une main, elle abolit l'esclavage et, de l'autre, elle transforme l'Algérie en "territoire français", mesure qui "disait encore le refus d'appeler colonie ce qui y ressemblait pourtant de plus en plus fortement".
Un quiproquo durable veut que la France ait mis en place en Algérie une politique d'assimilation. Elle ne concerne en vérité que le territoire et les colons venus d'Europe, très nombreux, incités à devenir français par le droit du sol accordé à leurs enfants dès 1889. Les Français musulmans (et juifs avant le décret Crémieux de 1870), eux, restent en marge des droits civiques.
On apprend que les juristes coloniaux présentent l'indigénat, ce régime de nationalité exceptionnelle (puisque sans citoyenneté), comme respectueux des coutumes locales : l'"indigène" a des droits particuliers, assurés notamment par le maintien de la juridiction des cadis.
L'Algérie moderne est une création de la France:
quelques vues de la plus belle capitale d'Afrique, Alger.
Logements sociaux à la pointe du progrés sur les hauteurs d'Alger: contrairement à une idée reçue, l'Algérie coûta plus à la IVème République qu'elle ne rapportait dans l'économie française.
L'historien/ économiste Jacques Marseille a définitivement démontré que ces colonies étaient un
boulet économique et un facteur de division de la cohésion nationale. De Gaulle fit le choix de s'en débarasser au plus vite; ce qu'il fit sans états d'âme.
Le Port
Les Jardins de l'Horloge
Place d'Isly
La Ferrière
Aéroport Maison Blanche
L'Opéra
Amirauté
Bresson
Le Casino, la Corniche
Diar es Saada
L'Horloge végétale
Pourquoi défendez-vous une sorte de suprématie de la culture européenne ?
Je pense que la culture européenne est une métaculture dans le sens où elle a imposé ses normes aux autres peuples à travers la découverte et l'étude de leurs cultures. Aucune autre culture n'a inventé l'ethnographie ou l'anthropologie. La volonté de transgresser les frontières, d'aller voir plus loin l'inconnu, cette curiosité insatiable de l'autre est une attitude typiquement européenne. Toutes les autres cultures ont été des idiosyncrasies qui se sont perçues sous un angle particulier alors que la culture européenne a instauré une culture de l'universel. Il est vrai qu'elle en a parfois fait mauvais usage.
C'est tout le problème de la colonisation.
L'histoire humaine est marquée par une suite de colonisations.
La Gaule a été colonisée par Jules César et elle est devenue gallo-romaine avant d'être colonisée par les Francs, qui ont donné son nom à notre peuple. La colonisation est une greffe qu'une civilisation implante dans une autre. Toutes les cultures ont été colonisées ou colonisatrices, comme la Grèce.
L'originalité de la colonisation européenne, qu'elle soit le fait des Français, des Anglais, des Espagnols ou des Portugais, c'est qu'elle a apporté aux autres peuples son universalité. Le verbe latin colere signifie "habiter", "cultiver", "soigner" et "élever un culte". C'est cette racine qui a donné le mot colonia, ou "colonie". Autrement dit, étymologiquement et intellectuellement, la colonisation, la culture et le culte énoncent la même idée : l'être humain doit prendre soin de ce qu'il cultive. Loin d'être l'abomination que l'on dénonce aujourd'hui, et en dépit de ses abus et de ses violences, la colonisation a été le processus historique de développement de l'humanité dans sa recherche de principes et de savoirs universels.
Vous trouvez donc inutile la mode actuelle de la repentance ?
Oui, parce que cela permet à certains de nos contemporains de se donner bonne conscience à peu de frais en battant leur coulpe sur les crimes de leurs prédécesseurs.
D'autre part, nous ne pouvons revenir en arrière : les colonisations ne sont plus actuelles. En outre, la plupart des peuples, à un moment ou à un autre, ont été colonisateurs, et pas seulement les peuples européens. Enfin, on ne veut voir que les méfaits de la colonisation, qui sont indubitables, et on oublie ses bienfaits. Prenez l'Algérie.
La colonisation par la France a été la plus courte de ce pays, de 1830 à 1962, après celle des Phéniciens, des Romains, des Arabes et des Ottomans, parmi d'autres envahisseurs. Mais elle a été la plus prodigue dans le développement de la Régence d'Alger, qui n'était pas encore un pays unifié et autonome.
Ne va-t-on pas vous reprocher une forme d'arrogance européenne ?
L'originalité de la pensée européenne, c'est qu'elle est toujours critique à l'égard d'elle-même.
Même lorsqu'elle s'arroge le droit de parler aux autres peuples, elle revient toujours sur elle-même et fait son autocritique. Considérez Montaigne et le chapitre des Essais qui s'appelle Des cannibales. Il nous dit que les Indiens du Nouveau Monde, que l'on qualifiait alors de "barbares", étaient moins barbares que les Espagnols et les Portugais. C'est là l'une des premières critiques de la colonisation qui s'appuie sur les principes juridiques, moraux et religieux des Européens.
La grandeur de la civilisation européenne a toujours été de prendre conscience de ses méfaits et de tenter de les corriger. Son humanisme si décrié est pourtant à l'origine de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, aujourd'hui reconnue par la plupart des peuples.
Propos recueillis par Michel Colomès in Le Point; 26 mai 2011.Extraits.
Le procès de l'Europe. Grandeur et misère de la culture européenne, de Jean-François Mattéi (PUF, 264 p., 22 euros).
Repères:
1941 : Naissance à Oran, en Algérie.
1962 : à 21 ans, exil vers la France.
1965 : diplômé de sciences politiques de l'IEP d'Aix-en-Provence.
1967 : agrégé de philosophie.
1967-1979 : professeur au lycée Fermat de Toulouse et au lycée Thiers de Marseille.
1980-2006 : professeur à l'université Nice Sophia-Antipolis.
1993-1994 : conseiller personnel du ministre de l'Education nationale François Bayrou.
1996 : Platon et le miroir du mythe (PUF).
1999 : La barbarie intérieure (PUF).
2005 : De l'indignation (La Table ronde).
2006 : La crise du sens (Cécile Defaut).
2006 : L'énigme de la pensée (Ovadia).
2009 : Le sens de la démesure (Sulliver).
VIII - C hansons de pirates
Nous emmenions en esclavage
Cent chrétiens, pêcheurs de corail ;
Nous recrutions pour le sérail
Dans tous les moûtiers du rivage.
En mer, les hardis écumeurs !
Nous allions de Fez à Catane...
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingts rameurs.
On signale un couvent à terre.
Nous jetons l'ancre près du bord.
À nos yeux s'offre tout d'abord
Une fille du monastère.
Prés des flots, sourde à leurs rumeurs,
Elle dormait sous un platane...
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingts rameurs.
- La belle fille, il faut vous taire,
Il faut nous suivre. Il fait bon vent.
Ce n'est que changer de couvent.
Le harem vaut le monastère.
Sa hautesse aime les primeurs,
Nous vous ferons mahométane...
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingts rameurs.
Elle veut fuir vers sa chapelle.
- Osez-vous bien, fils de Satan ?
- Nous osons, dit le capitan.
Elle pleure, supplie, appelle.
Malgré sa plainte et ses clameurs,
On l'emporta dans la tartane...
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingts rameurs.
Plus belle encor dans sa tristesse,
Ses yeux étaient deux talismans.
Elle valait mille tomans ;
On la vendit à sa hautesse.
Elle eut beau dire : Je me meurs !
De nonne elle devint sultane...
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingts rameurs.
Victor Hugo, Les Orientales; 1829.
Le courant orientaliste en Occident au XIXe siècle a su édulcorer les réalités les plus abjectes...
L'Algérie algérienne de Bouteflika ( sur qui certains soupçons pèsent quant à l'organisation du massacre des harkis) : corruption, pénuries, chômage, désespoir, drogue, harragas; islamisme...
Et toujours plus d'immigration vers la France et l'Europe.