AMEN
Le Vatican; les années 40.
Le film "Amen" ( mot hébreux qui veut dire:"c'est sûr!") et son affiche insultante pour les Catholiques, dissimule un mensonge éhonté concernant une période douloureuse de l'Histoire récente.
Le talent incontestable de Costa Gavras aggrave et amplifie ce mensonge qui consiste à semer le doute.
Selon le film, le chef de l'Église catholique, le Pape Pie XII, n'aurait (presque) rien fait pour s'opposer aux Nazis, en particulier dans leurs entreprises d'élimination des Juifs.
En tant que Nonce apostolique à Berlin (ambassadeur du Vatican), le futur Pie XII ne se faisait aucune illusion sur Adolf Hitler et le Parti nazi dont l'idéologie était incompatible avec la doctrine catholique..
Or, les faits historiques sont têtus et contredisent clairement les thèses du film de Costa Gavras:
Dès 1937, le Vatican condamne le nazisme dans
l'encyclique "Mit Brenender Sorge" (version officielle en Allemand) dont le
maître d'uvre n'était autre que le Cardinal Pacelli, futur Pie XII alors Secrétaire d'État de Pie XI (Premier Ministre en quelque sorte) et ancien Nonce Apostolique à
Berlin. Il faut également savoir que cette encyclique a été lue dans toutes les
églises du Reich le dimanche des Rameaux 1937.
* Le 6 mars 1939, après l'élection de Pie XII au
Souverain Pontificat, l'éditorialiste du Palestine Post (Jérusalem) écrit : "Pie
XII a clairement montré qu'il avait l'intention de poursuivre la tâche de son
prédécesseur en faveur de la liberté et de la paix (...) Nous nous souvenons du rôle
qu'il a joué (Pacelli) dans les récentes déclarations papales contre les pernicieuses
théories racistes et certains aspects des totalitarismes".
* Le 10 mars 1939, le Jewish Chronicle (Londres), cite le
discours antinazi du Pape à Lourdes (avril 1935) et les réaction hostiles de la presse
nazie en réaction à son élection. Il écrit : "Il est intéressant de se souvenir
que le 22 janvier 1939, le Völkischer Beobachter a publié une photo montrant le Cardinal
Pacelli et d'autres représentants de l'Eglise sous le titre :"Les agitateurs du
Vatican contre le fascisme et le national-socialisme".
* Le 28 octobre 1939, Pie XII publie sa première
encyclique "Summi Pontificatus" dans laquelle il rappelle que tous les hommes
ont même origine, même nature, même fin surnaturelle, même Rédempteur, même mission.
Le totalitarisme de l'État y est dénoncé sans ambages, et l'encyclique se termine sur un
hommage à la Pologne, écrasée sous la botte nazie depuis le 1er septembre, et qui vit
"une véritable hora tenebrarum, où l'esprit de la violence et de la discorde verse
sur l'humanité la sanglante coupe de douleurs sans nom".
La chapelle Sixtine au Vatican.
Le Pape constate aussi
amèrement que tous ses efforts, ses discours et ses interventions auprès des
responsables politiques internationaux n'ont pas réussi à endiguer l'expansion de
Hitler.
* Le 24 novembre 1938, le journal des S.S., "Das
schwarze Korps", écrit que le cardinal Eugenio Pacelli s'est allié "à la
cause de l'internationale juive et franc-maçonne" (sic).
* Hitler estime, quant à lui, que le Vatican est " le
pire foyer de résistance " à ses plans.
* Pendant la guerre, Pie XII ne cesse encore de dénoncer
la persécution des Juifs.
Dans son radio-message de Noël 1942, il plaide pour les
"centaines de milliers de personnes innocentes qui, par le seul fait de leur nation
ou de leur race, ont été vouées à la mort par une progressive extermination".
Réaction des services de sécurité du Reich :
"Il [le Pape] accuse virtuellement le
peuple allemand d'injustice envers les Juifs et il se fait le porte-parole des Juifs,
criminels de guerre".
Derrière des termes que certains trouvent trop mesurés, la
pensée est claire et la condamnation sans appel. Personne, à commencer par la
communauté juive, ne pense que des déclarations plus fracassantes changeraient la
situation et sauveraient des vies humaines.
A Münster, Mgr von Galen, opposant implacable
au régime en place se voit supplier en 1941 par les représentants de la communauté
juive de renoncer à un de ses discours dans lequel il dénonçait le racisme et le sort
fait aux Juifs, et cela pour éviter que le dit discours ne se retourne contre eux:
(cf
les représailles massives en Hollande après la déclaration des évêques).
* Des instructions ont été envoyées par le Vatican aux Églises nationales, les pressant d'intervenir pour sauver les Juifs avec tous les moyens
dont elles disposaient (cf "Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde
Guerre Mondiale"), publiés entre 1965 et 1981 à la demande du Pape Paul VI.
* Pie XII donne lui-même l'exemple.
En 1943, le commandant
des S.S. de Rome ordonne au chef de la communauté israélite de fournir 50 kg d'or dans
les 24 heures sous peine de déportation des Juifs. La collecte n'ayant réuni que 35 kg
d'or, le Grand Rabbin de Rome reçoit du pape Pie XII les 15 kg manquants.
* Pinhas Lapid, ancien consul d'Israël à Milan, après
une enquête dans toute l'Europe, écrivait : "L'Église catholique, sous le
pontificat de Pie XII, fut l'instrument qui sauva au moins 700 000, mais probablement
jusqu'à 860 000 Juifs d'une mort certaine de la main des nazis". Il comprend très
mal qu'on s'en prenne à Pie XII en 1963 (date de la sortie de la pièce "Le
Vicaire" de Hochhuth dont s'inspire le film "Amen"), alors que Pie XII
avait reçu les hommages les plus significatifs du milieu juif lui-même.
En France, sous le Régime de Vichy,les premières voix à s'élever publiquement contre les lois antisémites sont des évêques et des prêtres catholiques, en particulier Mgr Saliège, évêque de Toulouse.
Mais n'oublions pas tous les Français "ordinaires" qui, en particulier dans les campagnes, cachèrent, au péril de leur vie, des familles et surtout des enfants juifs.
Ces Français étaient, dans ces années 40, pour la plupart, non pas musulmans, non pas bouddhistes, mais Chrétiens et Catholiques.
Enfin, cette réalité dérangeante pour la plupart de mes contemporains: sous l'Occupation, la grande majorité des Français se désintéressaient du sort fait aux Juifs, tout obsédés qu'ils étaient à se ravitailler, à manger au moins un repas par jour, à envoyer et recevoir des nouvelles des prisonniers, à se chauffer et, si possible, se changer les idées en allant au music-hall et surtout, surtout, aller au... cinéma.
* Le Grand Rabbin de Rome pendant la guerre,
Israël Zolli (1881-1956), s'est converti au catholicisme après la guerre, et a choisi
pour nom de baptême Eugenio, en hommage au pape Pie XII, Eugenio Pacelli?
*Au décès de Pie XII, le 9 Octobre 1958,
Golda Meir, ministre Israëlien des Affaires Etrangères s'exprimait en ces termes :
"Nous pleurons un grand serviteur de la paix et de la charité. Pendant les dix
années de terreur nazie, quand notre peuple a souffert un martyre effroyable, la voix du
pape s'est élevée pour condamner les bourreaux et pour exprimer sa compassion envers les
victimes" ?
* Peu après la guerre, Albert Einstein déclare que :
"l'Église catholique a été la seule à élever la voix contre l'assaut mené par
Hitler contre la liberté ".
* Le 29 novembre 1944, une délégation de 70 rescapés
vient, au nom de la United Jewish Appeal, exprimer à Pie XII la reconnaissance des Juifs
pour son action en leur faveur.
*Il est facile de multiplier à l'envie la liste des faits
plaidant en faveur de Pie XII.
Ceux qui voudraient plus de détails peuvent se reporter à
l'excellent numéro de "Histoire du Christianisme Magazine" n°7 de mai 2001
(éditions CLD BP 203 - 37172 Chambray-lès-Tours cedex, le n° 13,5 ), spécialement
consacré à ce dossier, ainsi qu'au n° 12 de mars 2002 qui répond directement au film.
Ceux qui veulent encore plus de détails et de faits indiscutables pourront lire le livre
référence de Pierre Blet, dernier survivant de la Commission qui a épluché toutes les
archives du Vatican sur la période de la guerre, intitulé "Pie XII et la Seconde
Guerre Mondiale dans les archives Vaticanes" (Perrin 1999), résumé des travaux
minutieux de ladite Commission, publiés en douze gros volumes entre 1965 et 1981.
En revanche, il serait intéressant de se pencher sur les connivences entre certains leaders du monde arabo musulman et le IIIème Reich, en particulier le Grand Muphti de Jérusalem. Cela ferait un beau film historico-repentant...!
Et aussi, très intéressant d'analyser les votes aux élections de 1932-33 qui ont porté le Parti National Socialiste à la victoire; en particulier d'observer et comparer les votes des régions à majorité catholiques avec celles à majorité protestante.
Qui a voté massivement pour quel Parti? Les archives existent et ont été épluchées par certains historiens courageux...
Et aussi, très intéressant d'analyser les positions du Parti Communiste français depuis les années 20 jusqu'en 1941 par rapport au Nazisme...
Il est facile d'accuser à tort et à travers.
Mais qu'ont fait les grandes puissances avant et pendant la guerre pour sauver les Juifs d'Europe alors qu'Hitler et ses sbires avaient, dès la fin des années 20, clairement annoncé leurs criminelles intentions ?
Auraient-elles mieux fait qu'un petit État sans armées dans une Europe déchristianisée?
Quels sont les gouvernements qui ont tout mis en uvre pour sauver les Juifs d'Europe en 1939 alors que depuis 1933 toutes les démocraties étaient frappées de léthargies face à l'Allemagne nazie ?
Et si Costa-Gavras usait de son talent pour tourner un film sur la tragique épopée du paquebot Saint-Louis?
Le "Saint Louis" sous bonne escorte à l'entrée du port de la Havane.
(à suivre...)