Pour Dieu & le Roy !
21 Janvier 1793,
10h: après un procès sans honneur ni vérité, le roi Louis XVI est guillotiné...
1793, après l'exécution du roi Louis XVI...
le soulèvement populaire!!!
L'histoire d'une famille noble
et "éclairée", celle du comte Savinien de Kerfadec, lors des grandes révoltes chouannes dans les campagnes vendéenne et bretonne. L'histoire de ses enfants, déchirés entre le souffle de l'esprit
révolutionnaire et la résistance épique des "blancs" (fidèles au roi et à la religion catholique) à la montée de l'opportuniste bourgeoisie.
Philippe de Broca a choisi une position médiane pour évoquer cette épopée,
véritable tragédie, tâche indélébile dans la mémoire de l'humanité.
C'est ce qui m'a empêché de vibrer lorsque j'ai vu ce film en dépit du talent des uns et des autres.
Par ailleurs, le réalisateur n'a pas su éviter le cliché des affreux catholiques fanatiques et extrémistes.
Néanmoins, l'idéologie des idéalistes-utopistes enragés qui veulent raser le monde ancien pour bâtir un monde et une humanité
meilleur est bien décrite...
Contre ceux-là, la résistance va éclater dans toute la France, en particulier dans l'Ouest.
Mauvaise surprise pour Paris:c'est une insurrection populaire!
A la tête des insurgés, des hommes d'exception qui feront trembler les
Révolutionnaires...
Jean Cottereau surnommé Jean Chouan (1757-1794):
moitié brigand, moitié justicier.
Les périodes de troubles réveillent les héros ou les traitres...
Chouette-fauve
Le surnom "Chouan" lui
viendrait de son père, faux saunier, c'est-à-dire contrebandier de sel, qui imitait le cri du chat-huan la nuit pour alerter ses complices...
Les Chouans communiqueront de la même façon...
Cadoudal
(1771-1804)
Un homme d'une bravoure et d'une droiture à toute épreuve.
Il sera fait Maréchal de France à titre posthume et ennobli.
Un chouan: brave paysan, fervent catholique et... tête de lard.
Fières armes de
bretagne
Redoutable au combat: sa technique de guérilla
repose sur l'embuscade et déroute les armées républicaines...
-Embuscade de Chouans à la bataille de La Gravelle
en 1793-
Une jeunesse déchirée...Chacun doit faire un choix et s'engager dans un
camp.
L'excellent comédien,Lambert Wilson ( à droite) joue le rôle d'un fils de famille exalté
par les idées révolutionnaires.
Il incarne la folie haineuse et meurtrière de tous les révolutionnaires de tous les temps...
On ne peut aborder le sujet de la contre-révolution de façon édulcorée sous le prétexte fallacieux
qu'il faut rester objectif:
l'Histoire est une Science humaine faite de chair et de sang et ce dernier crie
justice...
L'excellent acteur Philippe Noiret joue le rôle d'un aristocrate
"éclairé", c'est-à-dire un modéré-blasé et sceptique, imbibé des philosophies des Lumières.
La plupart finiront en exil ou sur l'échafaud en 1793, d'autres serviront ensuite Napoléon. Ils comprendront trop tard
qu'il ne faut pas attiser certaines braises...au risque de se brûler.
En réalité, la Révolution française commença par une révolte nobiliaire contre les réformes engagées par le roi afin de
moderniser l'État et la société. Ce fut une réaction féodale contre le pouvoir royal.
En tête de la rébellion: les Parlements qui avaient été exilés par Louis XV pour cause de blocage des réformes, en
particulier afin de rendre la justice plus accessible et largement gratuite.
Ils furent rappelés par Louis XVI dés l774: ce fut sa première erreur...Dés lors, le compte à rebours fut
déclenché.
Pendant cinq longues années, Louis XVI (1754-1793)
roi de France & de navarre de 1774 à 1792, fit tout ce qui était en son pouvoir afin d' éviter la guerre civile aux Français; mais il fut trahi de toutes parts.
21 janvier 1793: le roi est guillotiné; il était le dernier garant des libertés
fondamentales, donc pour les révolutionnaires les plus fanatiques, un gêneur.
La reine Marie-Antoinette (1755-1793), "l'Autrichienne" pour ses nombreux ennemis, est exécutée
après un procès sans honneur ni vérité, le 16 octobre 1793.
Louis-Charles de France
(1785-1795)
Louis XVI est mort, vive Louis XVII !
Les
résistants se battent au nom d'un enfant-roi, prisonnier au Temple que les Révolutionnaires laisseront crever de faim et de maladie dans son cachot alors qu'il n'a pas dix ans...
La République française prend naissance sur les cadavres de femmes et d'enfants innocents.
DEVOIR DE MÉMOIRE:
La première chouannerie (hiver 1793-94 - 1795)
Aimé Picquet du Boisguy
(1776-1839)
par J.B Isabey, 1800.
Elle fut le fait des meneurs des événements de 1793 et de quelques réfugiés de la Vendée, regroupés en petites
troupes autour d'un chef local (Boisguy dans le pays de Fougères, Guillemot à Bignan-Locminé, Cadoudal autour d'Auray).
Elle se développa assez peu en raison de la terreur imposée par les autorités. Ces groupes se fédérèrent à
partir de l'été 1794 sous l'impulsion d'un gentilhomme normand, Puisaye, qui établit le lien avec le Comte d'Artois, frère du défunt-Roi.
La chute de Robespierre marqua une période d'apaisement, la liberté des cultes fut rétablie, mais les chefs
chouans voulaient poursuivre la guerre.
La deuxième chouannerie (1795 - Quiberon - 1796)
Episode de la déroute de Quiberon
Pierre Outin, 1889.
Le 27 juin 1795 débarqua à Quiberon une armée de plus de 5 000 hommes transportés par la flotte anglaise
rejointe par les nombreuses hordes chouannes.
Les troupes du général Hoche décimèrent aisément cette armée hétérogène au commandement divisé (2 000 morts, 5
à 6 000 prisonniers, 750 condamnés à mort).
Après ce désastre, une paix éphémère ponctuée d'actes de guérilla sporadiques autour de chefs bien implantés
comme Cadoudal, fut suivie d'une reprise des combats en 1797, lorsque les monarchistes modérés, qui venaient d'emporter les élections, furent renversés par Barras soutenu par Bonaparte (coup
d'état du 18 fructidor).
La troisième chouannerie (1797 - 1799)
Guérilla & embuscades!
Les persécutions religieuses reprirent avec vigueur, les réfractaires furent déportés. Cadoudal organisa la
rébellion en Bretagne, Maine et Normandie, soutenue par une population exaspérée.
Les hordes chouannes furent encadrées par des officiers nobles qui en firent une véritable armée, coordonnant
les actions, définissant une stratégie : prendre les villes en direction de Paris (Nantes, Le Mans...).
Le retour de la conscription en 1799 favorisa encore l'adhésion des populations. Mais l'arrivée de renforts
républicains puis le coup d'état de Bonaparte et sa politique de fermeté mirent un terme à la chouannerie. Après avoir échoué à Vannes en octobre 1799, Cadoudal signa la paix avec le général
Brune le 14 février 1800 à St Avé (château de Beauregard). Mais cette paix ne fut pas respectée par les républicains.
La résistance de Cadoudal
Après ses rencontres avec Bonaparte, Cadoudal qui avait refusé les grades que le Consul lui offrait,
s'embarqua pour l'Angleterre pour y chercher du soutien puis revint continuer ses coups de main et attentats dans son fief autour de Locoal avant de revenir à Paris où il fut arrêté avec une
douzaine de ses fidèles pour avoir comploté avec Pichegru contre Napoléon.
Refusant la grâce de Napoléon, il fut exécuté le 25 juin 1804 en place de Grève, après avoir prononcé ces
paroles : "Mourons pour notre Dieu et notre Roi", reprenant la devise des insurgés vendéens.
Son corps fut remis aux étudiants en médecine. Ses descendants furent anoblis par Louis XVIII et sa ferme de
Kerléano fut transformée en manoir.
Arrestation de Cadoudal
1793-2008, plus de deux siècles nous séparent de ce que l'on a pour habitude d'appeler pudiquement "les guerres de
Vendée".
Et pourtant, s'il est une période méconnue de l'histoire de France, c'est bien celle-ci.
En fait, il convient de distinguer trois grandes phases:
-La guerre proprement dite qui va de mars 1793 à décembre de la même année et qui s'achève avec la
défaite de Savenay: c'est une atroce guerre civile.
-L'énonciation, la conception, la planification et la réalisation d'un système d'anéantissement et de dépopulation, d'un
"populicide" comme disent les révolutionnaires, de la Vendée et des Vendéens, que nous, contemporains, assimilons à un génocide selon la
définition de Nuremberg, qui commence en avril 1793 et se termine avec la chute de Robespierre.
-La manipulation de la mémoire qui se traduit par un mémoricide au sein même des programmes de l'Éducation Nationale et des médias officiels.
Heureusement, de jeunes historiens comme Reynald Secher ont effectué des travaux pour
empêcher une amnésie collective...
Quelques dates-clés de la guerre de Vendée
- Mars 1793 : insurrection générale. Le 14 mars Cholet était prise par Stofflet et Cathelineau.
- 25 Mai 1793 : prise de Fontenay-le-comte par les Vendéens.
- 12 Juin 1793 : Cathelineau généralissime.
- Juin-août 1793 : échecs devant Luçon.
- 29 Juin 1793 : défaite des Vendéens devant Nantes. Blessure mortelle de Cathelineau.
- 14 Juillet 1793 : mort de Cathelineau à St Florent-le-Viel.
- 19 Septembre 1793 : victoire vendéenne à Torfou.
- 17 Octobre 1793 : défaite des Vendéens à Cholet.
- 18 Octobre 1793 : mort de Bonchamps à St Florent-le-Viel, l'armée vendéenne traverse la Loire, début de la Virée de
galerne.
- Décembre 1793 : massacre de l'armée vendéenne (au Mans puis à Savenay).
- 06 Janvier 1794 : exécution de d'Elbée, à Noirmoutier.
- 21-27 Janvier 1794 : les colonnes infernales ravagent le pays.
- 28 Janvier 1794 : mort de La Rochejaquelein à Nuaillé.
- 17 Février 1795 : signature du traité de la Jaunaye.
- Juin 1795 : Charette reprend le combat.
- 25 Février 1796 : exécution de Stofflet à Angers.
- 29 Mars 1796 : exécution de Charette à Nantes.
LA GUERRE CIVILE
(mars 1793-décembre 1793)
Après la Bretagne, la Vendée:
Mars 1793, la Vendée militaire (770 communes réparties sur 10 000 km2 et quatre départements: le nord de la Vendée et des
Deux-Sèvres, le sud du Maine-et-Loire et la Loire -Inférieure) s'insurge comme un seul homme et prend les armes contre la Convention.
On pressentait l'évènement, les responsables locaux le dénonçaient mais la Convention refusait d'y croire.
Les habitants ont été acculés et ils s'insurgent pour défendre ce qu'ils ont de plus précieux: la liberté au sens large et en
particulier la liberté religieuse. La Convention qui veut créer un ordre nouveau s'y refuse.
Le seul recours local devient alors la résistance armée selon les principes déjà définis par Saint Thomas d'Aquin et repris par
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de juin 1793 (art.35):
"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour
chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs."
L'élément détonateur est indiscutablement la conscription du 10 mars 1793.
L'Armée enrôle de force par tirage au sort; les paysans riches paient pour soustraire leurs fils.
La France, aprés avoir déclaré la guerre à l'étranger, le 20 avril 1792, afin d'exporter la
révolution, subit une série de défaites tant et si bien que, pour faire face à l'invasion qui s'ensuit, elle est amenée à lever 300 000 hommes.
Les municipalités sont chargées de la sélection des conscrits.
Sont retenus de préférence les opposants locaux.
Dés lors les Vendéens n'ont plus le choix: soit ils défendent un régime qu'ils haïssent, soit ils entrent en
résistance...
Contrairement à ce qui se passe en Bretagne, la révolte est spontanée et générale.
Sophie Marceau en "tricoteuse": ça lui va bien.
En quelques jours seulement, les Vendéens vont faire disparaître l'ordre
établi.
Ils détruisent les symboles révolutionnaires: drapeaux, tambours, Registres
d'État-civil...
Ils rétablissent l'ordre ancien avec sa structure traditionnelle: la Fabrique.
Les nouveaux chefs sont élus au suffrage universel, entendons à mains levées; le Pouvoir exécutif est
confié à des capitaines de paroisse secondés par une hiérarchie.
Ce mouvement spontané est avant tout populaire.
Aucun noble, Charette, Bonchamps, La Rochejaquelein, Lescure... n'acceptent pas, dans un
premier temps, les commandements offerts.
Les insurgés devront les menacer pour qu'ils s'y décident, à regret d'ailleurs, mais aucun
ne se fait d'illusions quant à l'issue du soulèvement.
Carte des batailles importantes à l'Ouest: la guerilla est de rigueur contre les Bleus qui pratiquent des massacres et
rasent les villages.
L'Armée des Insurgés est composée de trois ensembles: l'Armée de la Loire sous le commandement de Bonchamps, l'Armée du
Centre avec d'Elbée,
l'Armée du Marais avec Charette.
Marais poitevin: une géographie locale propice à la guérilla.
Il ne faut pas sous estimer
l'organisation et la stratégie de ces éléments créés par des officiers de valeur, comme Charette, La Rochejaquelein... et des anciens miliciens qui dans le cadre de camps d'entrainement, initient
les recrues au maniement des armes et à l'obéissance.
Henry du Vergier, comte de La Rochejaquelein
(1772-1794)
François-Athanase de Charette de La Contrie
(1763-1796)
Au début de l'insurrection, les Vendéens n'avaient quasiment que des armes rustiques: couteaux de
pressoir, fourches, faux et quelques fusils de chasse.
Par la suite, les armes confisquées aux Bleus complèteront cet arsenal.
L'artillerie comptera jusqu'à 130 pièces.
La seule prise de Saumur, le 9 juin, livre 15 000 fusils et une cinquantaine de canons.
Face à cette insurrection populaire, les Bleus réagissent mollement.
Le 18 juin, les Vendéens s'emparent d'Angers.
Charette propose d'attaquer Nantes; le 29 juin, la rencontre s'achève par une véritable déroute pour les Vendéens:
Cathelineau, voiturier de son métier, nommé par le Grand Conseil généralissime, est mortellement blessé.
Le moral est au plus bas...
Jacques Cathelineau
"Le saint de l'Anjou"
(1759-1793)
Dés lors, la guerre
évolue différemment: les forces en présence sont rééquilibrées et les victoires dans les deux camps succèdent aux défaites et réciproquement.
C'est le moment fort de la guerre civile.
De part et d'autre, on comprend que cette période est décisive, d'où l'âpreté des
combats.
L'arrivée de l'armée de Mayence, au mois de septembre, forte de 16 000 hommes de toutes
armes et placés sous le commandement du général Kléber, un militaire brillant et fin stratège, semble rompre l'équilibre des forces en faveur des
Bleus.
C'est la fin de l'unité des Vendéens; car les généraux, en désaccord sur
les objectifs à atteindre, décident de se battre séparément.
Vient alors une succession d'erreurs stratégiques qui condamnent inexorablement la Vendée, d'autant plus
qu'elle perd ses principaux chefs: Bonchamps, Lescure et d'Elbée alors que l'armée républicaine se restructure et se dote de puissants moyens.
Capturés: après un jugement expéditif, les Vendéens sont immédiatement
fusillés.
Après la défaite de Cholet, le 17 octobre, les chefs vendéens
comprennent que tout est fini.
Pour tous, la survie semble être l'exode outre-Loire, en direction de Granville où l'on espère trouver vivres, armes et hommes.
La tragédie va durer deux longs mois: le 14 novembre, l'attaque de Granville est un échec et c'est le retour vers le "pays".
A partir du 21 décembre, c'est l'hallali à Savenay.
Cholet
Virée
de Galerne: la déroute
Malheur aux vaincus!
Massacre de Chouans dans une chapelle:
Peau de Chouan: tortures, meurtres en masse, déportations; plus tard,les Nazis n'auront rien inventé et, avec
l'aide de leurs historiens, se sont directement inspirés des techniques de terreur des Anglais au Canada français et surtout, des Révolutionnaires français.
La répression des révolutionnaires
parisiens sera telle que certains d'entre eux la dénonceront avec écoeurement. Napoléon lui-même en aura honte et saluera la lutte des royalistes de l'Ouest, leur rendant hommage en ordonnant la
reconstruction des villes et villages rayés de la carte.
Défense de Rochefort-en-terre
Le génocide des Vendéens perpétré par les Républicains servit ensuite d'exemple aux Turcs
contre les Arméniens, aux Soviétiques contre les Polonais puis les Ukrainiens, aux Nazis contre les Juifs, à Mao contre les intellectuels chinois et aux Kmehrs rouges contre les élites
cambodgiennes.
• George Sand n'est pas la seule à évoquer les massacres de Nantes:
"Nous traversions un long faubourg brûlé par les Vendéens et devenu depuis un vrai charnier où on les fusillait
par centaines. On n'avait pas encore ramassé ceux qui étaient tombés là dans la journée; les bras manquaient sans doute. La peste et la famine étaient ci, et ceux qui tuaient étaient à peine
plus vivants que les morts. Les chiens affamés dévoraient les cadavres et les roues de la charrette les écrasaient…" (222)
• George Sand a aussi évoqué les terribles noyades de Nantes pour lesquelles "un ancien chartreux du couvent
d'Auray" dirigeait la construction "des gabares destinées à être englouties avec les prisonniers qu'on y entassait" (222). "Les coups de hache résonnent sourdement sur les flancs de la gabare…
Les ouvriers sautent dans des batelets. On coupe sans pitié les mains qui se cramponnent aux bourreaux. L'eau bouillonne autour d'un immense cri de détresse brusquement étouffé. Des chevelures
brunes et blondes flottent un instant et disparaissent. Plus rien! La Loire est tranquille et contente: elle a bu ce soir, elle boira demain!" (228). Mais, d'une manière plus originale, George
Sand a mis l'accent sur une scène particulière, des fillettes nobles qu'on a regroupées et déshabillées avant de les noyer dans la Loire : "Sur des marches glissantes et boueuses, il y a une
troupe de jeunes filles pâles et nues; la plus âgée n'a pas quinze ans. Des hommes les poussent devant eux; elles ne savent pas pourquoi. Il y a en qui disent: "Mon Dieu, prenez donc garde,
vous allez nous faire tomber dans l'eau!" Elles ne croient pas possible qu'on les y pousse exprès. Et cependant, on redouble; elle se rassemblent, faible barrière, elles s'imaginent qu'en se
serrant les uns contre les autres et en criant toutes ensemble, elles résisteront et se feront comprendre. […] En voilà une qui tombe dans l'eau noire, infectée de tant de cadavres que la
victime ne peut pas enfoncer, et puis une autre dont le poids l'entraîne… Mais qu'est-ce qui arrive? On cesse de les pousser, on tend la main à celles qui sont à moitié englouties. C'est le
pardon peut-être? Non! c'est le comble du laid, ce qui vient là, c'est le dernier mot de la vengeance!. Une meute de vieilles femmes moitié louves, moitié limaces… Cela rampe dans l'ordure et
cela a des yeux ardents: elles viennent demander la vie de ces enfants. Chose atroce! on la leur accorde en riant et en disant des choses obscènes que ces femmes seules comprennent. Et les
voilà qui payent un droit, car elles sont patentées pour livà la prostitution les pauvres demoiselles nobles qui sont là…" (227)
Les derniers Chouans de 1809
Miser sur les Insurgés français de l'Ouest n'avait jamais été très avantageux pour l'Angleterre; malgré la rupture de la Paix d'Amiens en 1803, elle avait perfidement abandonné les
Chouans à leur sort, désireuse de ne pas être impliquée dans les retombées de la conspiration manquée de Cadoudal.
C'était un choix sur lequel les Anglais pensaient maintenant revenir: l'ouverture d'un front intérieur, une nouvelle insurrection, une nouvelle guerre civile gêneraient-ils Napoléon?...
Le moment paraissait bien choisi. Dès le mois de mai 1808, l'intervention française en Espagne avait pris mauvaise tournure, l'État-major britannique y voyait une erreur de l'Empereur, et
l'opportunité, à terme, de reprendre pied sur le Continent par la Péninsule ibérique.
En France même, une certaine exaspération naissait dans une population d'abord satisfaite qu'il fût mis fin à la folie révolutionnaire et à l'anarchie, à la corruption, aux violences qui en
découlaient. Cette désaffection populaire envers le pouvoir impérial prendrait-elle de l'ampleur?
Albion comptait jeter de l'huile sur le feu... Il lui fallait pour cela une tête de pont: elle avait l'intention de la trouver en Bretagne.
La Vendée paraissait désormais moins sûre, en raison des sommes investies par le gouvernement dans sa
reconstruction, et de l'attention particulière que Napoléon lui manifestait.
Les Provinces chouannes n'avaient pas eu droit au même traitement et les rancunes y fermentaient encore... En
outre, les relations entre la papauté et Napoléon se tendaient: il était question d'annexer les États pontificaux, voire d'emprisonner Pie VII, jugé trop indocile à la volonté de
Paris.
Les Catholiques pouvaient se rebeller une fois encore. Encore fallait-il les y préparer...
Seuls les réseaux royalistes en étaient capables.
Les Anglais se tournèrent vers les Princes et leur demandèrent de réactiver leurs
contacts... Mais tout était à refaire: les lignes de courriers entre Jersey et la côte française avaient été désactivées, leurs agents privés n'étaient plus payés. La Résistance devenait
dangereuse car le pouvoir était impitoyable; les Princes de leur côté étaient découragés...La flamme de la Résistance était bien faible.
Mais il y avait Armand de Chateaubriand du Plessis.
Né en 1768, ce Malouin avait quarante ans, était marié à une Miss Brown et, basé en Angleterre avait déjà accompli plus de
trente missions à haut risque sur le territoire français au profit des Anglais et des Princes... qui ne lui en surent aucun grès; ces derniers étaient minés par des querelles de personnes, des
divisions intestines et Chateaubriand n'avait pas su faire sa cour au comte de Puisaye, à l'époque dispensateur de toutes les grâces. Bref, on le lâcha d'autant plus volontiers que des rapports
d'un courrier, un certain Noël P, en qui nul ne soupçonnait alors un agent double, l'accablaient...
Or, en juin 1808, Prigent se fit arrêter en Bretagne, crut s'en tirer en signalant ses services passés, livra tous les
renseignements concernant les réseaux de courriers et les buts poursuivis; cela ne lui évita pas le peloton. les candidats pour le remplacer ne se bousculant pas, on rappela Chateaubriand comme
si on lui faisait une grâce en l'employant... Il fit un premier voyage en automne, en revint, repartit fin décembre, toucha terre en Brtagne, contacta le comte de Goyon-Vaurouault qui lui
transmis un rapport, signé, sur l'état de la flotte basée à Brest.
Espionnage caractérisé qui vouait à la mort son auteur et le messager si jamais il se faisait prendre. Chateaubriand rembarqua
le 3 janvier 1809, par un temps horrible, ne parvint pas à rallier Jersey, se fit rabattre vers la côte normande. le 9 janvier, les douaniers le cueillirent épuisé, à moitié mort de froid;
prudemment, il s'était débarrassé de la sacoche contenant des papiers compromettants... Le Préfet l'envoya à Paris. entre-temps la marée avait rejeté la sacoche... Elle fut fatale au Comte que
l'on fusilla le 31 mars 1809, contre le mur de l'École militaire; il mourut noblement.
Cette tragique affaire fut étouffée par la police de Napoléon, experte en la matière, afin de ne pas troubler
l'opinion.
Cachet chouan
Pendant ce temps, de Londres, Louis XVIII chargeait L'abbé
Guillevie de se rendre en Bretagne porter aux officiers royalistes les ordres d'insurrection. Mais les hommes, réticents et suspicieux, exigèrent d'abord qu'un prince débarquât pour se mettre à
leur tête. Cette exigence fut comprise et le duc de Berry s'y engagea...sans illusion.
Entre-temps la nouvelle de la victoire de Wagram arriva: espérer faire tomber Napoléon de l'intérieur n'était plus
réalisable.
Quant à ceux que ce nouvel abandon mettaient en péril comme Chateaubriand, ils passaient déjà aux profits et
pertes...
De leur nombre se trouvait le comte Robert d'Aché, ancien officier de Frotté, en Normandie, engagé en 1803 dans les réseaux
Cadoudal et qui, après l'arrestation de Georges, avait réussi à quitter la France. D'Aché atteignait la cinquantaine mais possédait une connaissance du terrain irremplaçable; on le largua sur la
côte du Cotentin. Plusieurs mois, il parcourut la Basse Normandie, le Bas Maine, l'Anjou et la Vendée. Frappa aux portes où il savait trouver des amis: il obtint plus de réponses positives qu'il
en espérait...Presque toute la noblesse se dit prête à le suivre. D'Aché, cependant, exilé depuis plus de cinq ans, n'avait pas pris la mesure de la chape policière pesant sur le pays: tous les
gens chez qui il se présenta étaient fichés, surveillés... Les confidences de Prigent avaient alarmé et les agents du redoutable ministre de la police Fouché redoublaient de vigilance. Plus
grave, nombre de jeunes recrues, très jeunes, n'avaient aucune idée des exigences de la clandestinité et des précautions minimales à observer. Quelques provocateurs leur tirèrent des
confidences.
Au début de l'été 1809, une rafle efficace se produisit dans les milieux royalistes: les pelotons d'exécution
firent le vide...
Vieux renard, d'Aché passa entre les mailles du filet et regagna la Normandie. Il savait la partie perdue et
désirait repasser à Jersey.
Fouché connaissait les possibilités de repli du conspirateur, ses amis, ses maîtresses...
Ses agents lui avaient signalé à Caen la marquise de Vaubadon, qui avait eu autrefois des bontés pour M. d'Aché:
la dame avait de gros besoins d'argent: elle accepta de livrer son amant en échange du remboursement de ses dettes.
Début octobre, d'Aché tomba dans un piège sordide et fut abattu, dans le dos, sur la plage où il attendait une
barque inexistante...
Plus tard, le célèbre romancier Barbey d'Aurevilly, instruit de l'incident, songea à en faire une nouvelle, puis
il renonça: c'eût été faire trop d'honneur à la Vaubadon...
(d'après un article écrit par l'historienne Anne Bernet in NRH N°44 octobre
2009)
Caroline de Bourbon-Siciles (1798-1870)
Les derniers feux de la
résistance
Marie Caroline Ferdinande Louise de
Bourbon, princesse des Deux-Siciles, duchesse de Berry, est née à Caserte en 1798 et morte au château de Brunnsee près de Mureck en Styrie en 1870.
Épouse de Charles Ferdinand d'Artois, duc de Berry, fils de Charles X, elle est la mère d'Henri
d'Artois, prétendant légitimiste au trône de France.
Au nom de son fils, elle tenta en vain de prendre le pouvoir en France en 1832 en qualité de « régente
».
Marie Caroline Ferdinande Louise de Bourbon est née à Caserte le 5 novembre 1798. En 1799, la famille
royale s'est réfugiée à Palerme - sous protection britannique - après l’invasion de ses États par l'armée française.
Elle était la fille de François Ier, roi des Deux-Siciles (1777-1830), et de Marie-Clémentine d'Autriche
(1777-1801), fille de l'empereur Léopold II.
Après avoir passé son enfance et sa jeunesse à Palerme et à Naples, elle est venue en France pour
épouser Charles Ferdinand d'Artois, duc de Berry, second fils du comte d'Artois, futur Charles X et frère du roi Louis XVIII.
Bien que son époux ait eu vingt ans de plus qu'elle et qu'il s'agît d'un mariage arrangé, ils semblent
avoir formé un couple assez uni. Le palais de l'Élysée a été aménagé pour eux.
Le duc et la duchesse de Berry ont eu quatre enfants, dont deux n'ont pas survécu plus que quelques
jours : d'abord Louise de Bourbon d'Artois (1819-1864) qui épousa le Duc de Parme, puis Henri de Bourbon d'Artois (1820-1883), duc de Bordeaux, comte de Chambord, surnommé « l'enfant du miracle
», né en septembre 1820 au Palais des Tuileries Paris, décédé à Frodorff en 1883 (né après l'assassinat du duc de Berry, assassiné le 13 février 1820, par Louvel d'un coup de couteau alors qu'il
raccompagnait sa femme à sa voiture devant l'Opéra à Paris).
Messe du soir dans un couvent, peinture de Marie-Caroline de
Bourbon-Siciles
Après l'assassinat de son mari, la
duchesse de Berry s'est installée aux Tuileries. Elle avait un tempérament assez opposé à celui de sa belle-sœur la duchesse d'Angoulême : elle était peu attachée à l'étiquette, aimait recevoir
et était très sensible à la mode. Elle avait surtout vingt ans de moins que sa belle-sœur et n'avait pas vécu les souffrances de la fille de Louis XVI.
Elle aimait s'éloigner assez souvent de la capitale, et elle a eu un rôle non négligeable dans la vogue
des bains de mer, en particulier à Boulogne-sur-Mer et Dieppe, pratiquant volontiers ce loisir à la belle saison. C'est elle également qui inaugura une section du canal de la
Somme.
Du 14 au 18 juillet 1828, elle séjourna à Bordeaux, qui la reçut somptueusement, afin de « ranimer les
fidélités à la Couronne » des habitants de la première ville à s'être ralliée à Louis XVIII en 1814.
Son passage au château d'Effiat (Puy-de-Dôme) fut marqué par une pierre qui se voit encore sur la grande
place de ce bourg auvergnat situé non loin du domaine de Randan, propriété de la princesse Adélaide d'Orléans, sœur aînée de Louis-Philippe Ier.
À la suite des Trois Glorieuses, elle suivit Charles X et la cour en exil, mais elle cherchait à
se faire proclamer régente pour son fils, sous le nom de Henri V. Elle retourna donc clandestinement en France en 1832, où elle débarqua dans la nuit du 28 au 29 avril. Elle tenta de relancer les
guerres de Vendée et de rallier la population à sa cause.
La mobilisation locale fut assez faible, et l'opération échoua rapidement.
La duchesse chercha refuge dans une maison de Nantes mais trahie par Simon Deutz, après s'être cachée
toute une nuit dans un réduit situé derrière une cheminée dont l'âtre était allumé, elle fut arrêtée le 8 novembre 1832 par la gendarmerie, dirigée par Adolphe Thiers qui, depuis le 11 octobre,
venait de remplacer Montalivet au ministère de l'Intérieur.
Détenue dans la citadelle de Blaye et soumise à la surveillance la plus rigoureuse, elle accoucha d'une
fille prénommée Rosalie (10 mai 1833, 9 novembre 1833) devant des témoins désignés par le maréchal Bugeaud à la demande du roi Louis-Philippe, qui voulut profiter de l'occasion pour flétrir son
honneur aux yeux des légitimistes et discréditer ainsi définitivement la cause du jeune duc de Bordeaux. La princesse déclara alors qu'elle avait épousé secrètement en 1831 Hector Lucchesi-Palli,
duc della Grazia (1808-1864).
La petite Rosalie mourut au bout de six mois. Avec ce nouveau mari, elle eut ensuite trois filles et un
garçon, après avoir perdu un enfant à la naissance. Elle eut ainsi une descendance de six enfants (sur dix qu'elle avait mis au monde au total) : deux du duc de Berry et quatre de son union avec
Hector Lucchesi-Palli.
Après quelques mois en prison, la duchesse fut libérée et expulsée vers Palerme ; elle se vit tenue à
l'écart de la famille royale, qui lui refusa la direction de l'éducation de son fils.
« La grande maison de Brunnsee, désertée, évoque une grève à marée basse. La vie s'est
retirée, comme la mer, de ces pièces à demi démeublées ou subsitent encore quelques épaves, vestiges d'un bonheur évanoui. Une très vieille femme, épaissie, affaissée, se tient devant la fenêtre,
feuilletant tout le jour un album de photographies (où) presqu'aveugle, elle s'évertue à reconnaître les traits des visages qu'elle a connus ».
Laure Hillerin.
Ayant perdu à deux mois d'intervalle début 1864 sa fille, duchesse de Parme, et son second époux, qui
l'avait ruinée - six millions de francs de dettes - elle s'installa en Autriche où elle vécut les dernières années de sa vie, entre le château de Brunnsee et Venise, où elle avait acheté le
palais Vendramin, que son fils lui fit vendre en échange de son aide financière ; elle mourut à Brunnsee le 16 avril 1870.